«Être de passage...
Au fil de mes déplacements, je prends en photographie ou en mémoire des choses croisées, stricte géométrie et libre-cours humain/nature entremêlés, prises en cours, rapide ou durable, tout en (n’)étant de même (que) de passage, suspendu parfois.

S’installer un peu...
Alors, certaines choses rencontrées me donnent envie de rester un moment car il y a l’intuition d’un «bon endroit». L’œuvre produite sera la synthèse, sensible d’une situation, composée via des mises en œuvres aux combinaisons plastiques simples de matériaux (humains/naturels), de couleurs/formes/images et de gestes, choisies sur mesure car reposant sur des associations d'idées/pensées et des figures poétiques.

Mémoire synthétique, mélancolie colorée et fictions plastiques...
Il s’agit pour moi de composer des endroits. Des points de fusion entre un instant, un lieu et un témoin, prolongeant ainsi les réflexions menées autour du paysage.
Des endroits construits sans distinction entre souvenir et fiction. Progressivement reliables entre eux de pièces en pièces.
Où extérieur et intériorité se croisent par le paysage. L’un devenant le médium de l’autre, dans un vagabondage plastique à la lisière de l’abstraction. Synthétique dans les deux sens du terme.
Où les phénomènes humains et naturels entrent en correspondances, en contournant la représentation pour la formulation de l’effet des choses.
Des choses infimes, spectaculaires, solides, fluides, toutes également des événements, impressionnants au sens photographique, qui passent et s’écrivent simultanément, à côté du temps, au creux de la durée.
Des endroits possibles par l’artifice car ce qui a été n’est plus mais peut - continuer à - se produire et durer sur le fil de cet ailleurs.

APP, textes d’expositions & divers 2022



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« Le cœur de la question.

En décembre 2020, j’ai reçu un message d’un ami ; en l’ouvrant, je m’aperçois qu’il n’avait rien écrit, mais juste « ajouter un cœur » à mon message précédent. Cet ami ne me parlait donc pas, mais la machine, qui m’indiquait cette information.

Le matériau des sculptures d’Amandine Pierné-Petermann nous est connu, donné à voir sans détours. Il est rarement façonné, tout en étant toujours très attentivement mis en exposition. En tout cas, à l’état brut, il est toujours ... beau.
Alors pourquoi les sculptures de l’artiste ne tombe jamais dans le baroque? Amandine Pierné est sensible à l’art minimal, non dans son aspect strict ou anguleux, mais dans la qualité de la quantité. C’est à dire qu’il y a chez elle une des fondations du wabi-sabi, qui est d’attendre la limite minimale pour le maximum de poésie. Alors pourquoi ce n’est pas la fête? Déjà, parce que c’est de l’art. Un ami m’avait fait remarquer à quel point les sculptures de Ugo Rondinone sont mélancoliques. Il y a de ce sérieux esthétique chez Amandine Pierné-Petermann. Et elle serait du genre à nous dire : Ah non, on rigole pas avec l’humour. Tout ces éléments, la nacre des huîtres, la trace d’un avion dans le ciel, le bolduc, les colliers de perles, les alvéoles d’une ruche, sont de l’ordre du tout simplement beau. Mais toujours la « nature » de ces matériaux, leurs origines et leurs destina- tions nous gênent un peu. Le brulé, le percé, le plastifié sont à l’œuvre aussi. Une étrange séduction est en place.
Beaucoup d’artistes travaillent sur la notion de temps. Le temps de l’œuvre, du geste, de la trace. Des vidéos qui durent quatre vingt ans, ou des installations avec des arbres qui poussent. Des œuvres parfois donc processuelles (qui mettent en avant un plus ou moins long processus). Amandine Pierné-Petermann travaillent avec des objets « courts », courts dans le temps. Quel est le temps effectif d’un morceau de bolduc, d’une trace d’avion, d’un morceau de tinsel (sorte de fines guirlandes)? Rien. Des ondes sur la plage tracées par le vent... une heure, une marée. Rien. Amandine Pierné-Petermann les fait tenir ; évidemment tenir dans l’œuvre, noué, imprimé, ... mais surtout tenir dans le temps. Et la poésie de son travail est dans ce temps. Une ouverture de cadeau qui durerait une éternité.

Amandine Pierné-Petermann n’ajoute pas un cœur à ses sculptures, mais trouve celui des objets, au sens de « core » en anglais, comme dans « the core of a cable », l’âme du câble, ou « the core of the issue », le cœur de la question. »

Pierre Labat - 2022
"What you sea is what you get" - solo @ Continuum, Bdx



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Amandine recherche une simplicité dans les formes, les gestes et les matériaux utilisés, tout en exprimant des ressentis, des problématiques humaines et naturelles avec sobriété et intensité. Son travail, très ancré dans une expérience des lieux et des instants, est fondé sur la recherche de correspondances épurées entre les éléments associés.

Correspondances entre la manière dont des moments ont été vécus (nature, qualité, intensité, durée) et la mise en œuvre de ses pièces dont la forme sera dans un contexte le produit.

Correspondance entre des élaborations et émotions humaines et des matières et phénomènes naturels où les tourbillons d’une âme boueuse voisine sont mis en vitrines, où le hérissement tient autant de la peau que du rivage.

Correspondance entre entre des formes géométriques ou maîtrisées et exubérantes ou hors d’un contrôle, dans laquelle la composition crée une nouvelle configuration dans laquelle l’un participe de l’autre.

Correspondances entre le temps et l’espace : les situations et leur vécu se déploient dans l’espace créant des paysages «senti-mentaux» avec des rythmes et des plages empruntés au musical, des endroits tantôt abimés tantôt contemplatifs, où apparaissent entre les lignes la mélancolie et les plaisirs.

AmandinePierné-Petermann poursuit des recherches engagées du coté de la formulation de l’intériorité humaine et de la représentation du paysage en explorant les moyens de les fondre dans un grand ensemble.

APP & Laetitia Perret - 2020



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Ma démarche porte sur les possibilités de représenter, formuler et mettre en œuvre du temps, par le regard puis le geste, en croisant temporalités humaines et naturelles.

Celle-ci trouve sa source dans l’observation d’un environnement, via la déambulation je collecte des vues instantanées, des lieux traversés, des moments vécus, des situations prises en cours. Une pratique continue de la captation qui passe par l’archive, la photographie documentaire ou plasticienne mais également le prélèvement s’il est plus à même qu’une image à les synthétiser.

Le temps devient dans mon travail une distance, un mouvement - et inversement, la réflexion un cheminement, une figure entre des points a et b. Je mets en place des opérations qui donnent à voir un déroulé, un enchaînement ou encore une exécution qui font de mes pièces des ponctuations ou des étendues dans l’espace.
Pour se faire, j’exploite un contexte comme une matière, qui va être croisé avec une intention et des gestes choisis par le biais d’une logique qui se met en place naturellement par le travail. Ceux-ci sont assez simples mais pensés selon des réalisations sur mesure, ils sont le fruits d’une manière d’être là, «une attitude qui donne/prend forme». Une grande part des oeuvres produites réside donc dans ma capacité de réception, à prendre provisoirement place dans une situation - et d’en créer -, en exploitant un étant donné, ses occasions, ses spécificités et ses détails dé-re-composés.
Des moments mixés, reformulés, synthétisés, amplifiés dans l’espace, croisés avec des problématiques propres au médium et objets convoqués, des références d’ordre artistiques, historiques et personnelles, tout cela sur le mode du loop et du twist.

Les pièces que je réalise se présentent ainsi sur des modes tels que la trace, l’objet, le work in progress/l’évolutif, l’intervention, le dispositif et l’installation mêlant plusieurs degrés de lecture tant au niveau du contenu des pièces que de leur exposition même.
Elles font appel à un registre varié en terme de médium, toutefois nombre d’entre elles revêtent un fort caractère pictural, avec le paysage et sa représentation pour sujet, prétexte, conséquence, matière ou support de prédilection.
Prolongation logique de mes observations, y reviennent des formes et mises en œuvre «solides», protocolaires, géométriques et factuelles d’une part, éphémères, processuelles, narratives et «fluides» d’autre part avec des temps de production basés tantôt sur la durée tantôt sur l’instant.
De nature expérimentale, mon travail déroule le reflet de mes expériences du passage et de - la résistance à - l’érosion, placées en équilibre le long d’un présent filé par l’ordre caché de son hors-champs.



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«Amandine Pierné-Petermann combine, multiplie, additionne, enlève des choses et des sens, des résonances et des logiques. Pour s’approcher du réel, mais aussi pour mieux s’en détacher, elle a une méthode simple, élégante. Cette méthode, c’est celle du fleuret. Les règles sont extrêmement élémentaires et résident entièrement dans cet impératif: toucher au plus juste en tirant le meilleur parti d’une marge de manoeuvre volontairement restreinte. Avec toute l’agilité requise - usant de la feinte, de l’esquive - elle parvient à de subtils déplacements, changements d’angle, d’échelle, et sort du rang sans se couper de tout repère. (...) Elle produit, avec une pointe d’humour, une délicieuse instabilité, en instaurant ce décalage minime mais décisif qui ne compromet pas la reconnaissance des éléments convoqués mais la déroute au moment où elle s’opère.»

Didier Arnaudet. Artpress 358.




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"voilà
ça fait 3 fois que je recommence ce texte sur ton travail
je suis d’abord partie sur un texte bien droit traçant une pensée chronologique qui tentait de traduire mes rencontres concomitantes avec toi et ton travail et en essayant de traduire ce qui m’avait motivée à travailler avec vous (toi et ton travail) je me suis laissée rattraper par mon style d’écriture s’il en est un style qui soit à moi et me voilà re partie vers une mise en abyme une écriture en cercle qui se tourne se cherche se répète et se mord le mot revenue à ce style par ton travail et fiat lux c’est plus juste ainsi
je tentais d’écrire cette histoire de boucle bouclée dont je t’avais parlée et qui avait semblé te plaire en l’écrivant je suis moi-même partie dans une boucle texte qui parlait d’un travail qui part du réel pour arriver à une copie du réel qui n’est pas une parodie mais ce même réel avec juste une chose en plus ténue intervention méthodique et acharnée pour n’être finalement que ce qu’il était au départ un fait un moment un évènement un instant t qui t’est tombé dessus juste comme ça parce que tu l’as retenu comme étant un instant t sur lequel s’arrêter et intervenir pour qu’il devienne une suite cet instant t + une intervention qui n’en fait qu’une copie de l’instant t + quelque chose qui le rend différent finalement de l’instant t
et me voilà exactement dans ce que moi je cherche dans ce que moi je tourne autour parce que ça m’intéresse
alors je t’écris n+1
n+1 parce que ces instants ces faits ces évènements deviennent des objets dans ton travail des objets abymés les faits sont les objets de l’histoire les évènements anodins les objets du quotidien les instants ceux du temps alors tous réunis et convoqués au filtre de ta lecture deviennent des objets du réel et puisque les choses ne sont que ce qu’elles sont que ce qu’elles donnent à voir mais avec en plus la connaissance de ce qu’elles sont de ce qu’elles donnent à voir alors n+1
la boucle bouclée est tout entière la dedans cette histoire de prendre un élément du réel temps fait évènement objet lié à un point de ton quotidien de le re faire de le copier de le fac similer en y ajoutant juste ton intervention juste la conscience que devrait avoir ce nouvel objet qui est en train de devenir dans ton travail nouvel objet qui n’est donc que l’objet de départ mais pas tout à fait légèrement décalé légèrement tordu par ton intervention pour se fendre d’une pirouette d’un peu de poésie de pas mal d’humour et le revoilà juste à côté de son modèle réel avec juste un peu plus ou moins boucle pas tout à fait bouclée fermée à un millimètre qui agace parce qu’on voudrait que ça se ferme vraiment ou qui fascine parce qu’on se demande comment ça tient si c’est pas vraiment fermé
alors lorsqu’une boucle reste comme ça ouverte avec juste un millimètre de décalage elle devient l’amorce d’une spirale la base d’un ressort dynamique
et c’est précisément toute cette matière cet acharnement à copier en changeant qui m’a tant plu cet effort minutieux et si ténu cette charge d’énergie pour être si discret tout ce processus pour n’être que posé juste à côté
(...)
un quotidien figé copié imité parodié et pourtant si proche de demain ou d’hier pourquoi pas là en train de se faire autour de moi une suite d’évènements anodins pris d’un autre espace pour atterrir à côté d’eux-mêmes
pourtant je la connais cette histoire de dimension parallèle elle ne devrait plus me surprendre j’y suis habituée je sais que juste à côté là Elvis n’est pas mort que les choses ne sont pas ce qu’elles sont que les petits doigts se tendent que dans la quatrième dimension tout va bien jusqu’à la chute et que tous collent des confettis
(...)
trait d’union dans mon voyage le soin méticuleux porté à chaque objet ce que je vois comme étant de l’obsession une incarnation obliger ton idée à prendre corps en la faisant passer par un travail aliénant le pas à franchir pour faire un lien avec un enfantement dans la lenteur est facile trop surtout quand on sait la jubilation qu’il peut y avoir pour le regardeur celui qui arrive après la tempête inspecteur des travaux finis qui finalement ne reçoit que la moelle
et puisqu’il faut bien essayer de finir finalement c’est ce que je retiens moi qui suis l’inspecteur des travaux finis je visite ton architecture de l’intérieur du réel je trouve une autre dimension entièrement échafaudée à coup de décalage et pourtant rien de bancal tout est posé à sa place."

Charlotte Chadourne



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"Amandine Pierné-Petermann s'est à nouveau aventurée dans une répétition du geste qui lui a permis d'éprouver plus précisément l'écoulement du temps. Les pièces exposées reposent en effet sur une construction progressive et montrent, à travers la combinaison du geste et du matériau utilisé, la volonté de l'artiste de donner une forme au temps, le solidifier, le convertir en masse, en objet ou encore en surface. S' astreindre à un travail sisyphéen implique de mettre le temps en boucle et d'engager son énergie de manière très particulière dans une tâche. Les œuvres produites par l'artiste aujourd'hui se rapprochent de plus en plus de l'abstraction.
Le motif est là. Partout. Sa place est devenue souveraine. Ainsi les pièces créées supposent, par ce mode de construction, des distances d'observation élastiques, entre un dessin général et les détails qui le constituent.
(...)
À contre courant du culte de l'urgence et de la vitesse qui caractérise de nombreux compartiments de notre époque, l'artiste a inscrit sa recherche formelle dans la durée en préférant s'abîmer dans un travail lent. Il ne s'agit pas ici d'un jeu de patience, mais plutôt d'une détermination à engendrer une forme."

Arts Hebdo Medias à propos de "Plaisir d'Offrir", Galerie Ilka Bree, 2013.